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Collecte des encombrants le 17 avril

Vague bleue

Les conflits de limites en Fagne

La limite entre la Principauté abbatiale et le duché de Luxembourg dans sa traversée fagnarde n’a pas toujours été des plus précises et fut génératrice de longs conflits.

Avant 1533, la fagne était exploitée par les villages limitrophes. A l’étroit sur les terres abbatiales, Ovifat, Robertville, Outrewarche, Champagne et Gueuzaine avaient demandé et obtenu des seigneurs de Vianden et de très ancienne date l’autorisation de paître, de faucher et d’exploiter la tourbe. Le contrat le plus ancien est antérieur à 1444.
Cette cohabitation n’allait évidemment pas sans heurts. Dès le XVe siècle, les manants de Robertville et d’Ovifat sont en conflits parfois virulents.

En 1524, un nouveau différend éclate entre les deux villages, provoqué probablement par les maladies du bétail que les uns et les autres s’accusent de transmettre. Un accord est conclu par l’entremise de Henri de Nassau, seigneur de Reinhardstein, du mayeur de Malmedy, du prieur du monastère et du podestat, accord qui leur recommande d’avoir ” paye et bon visnage ” (paix et bon voisinage) et qui fait du chemin des ” grands hernaz ” la limite à ne pas franchir pour éviter toute contamination.

En 1534, Johann Sourbroit s’installe aux limites du bois d’Averscheidt, en terre luxembourgeoise, avec la ferme intention d’y établir son logis et ses terres. Sept manants de Robertville conduits par Stienne de Thier entendent arrêter cette intrusion et démolissent les clôtures nouvellement dressées. Las, la cour de Bütgenbach leur donne évidemment tort et comme leur bétail a été saisi, ils doivent payer une forte amende pour le récupérer. Amende qui doit être payée par tous les manants de Robertville, ce qui provoquera un second procès, à Waimes cette fois, entre manants de Robertville ayant participé ou non au raid contre Johann Sourbroit

Mais d’autres manants viennent se joindre à Johann. Sourbrodt s’agrandit de même que ses besoins en terres fagnardes. Ce qui n’est bien sûr possible qu’au détriment des usances de Robertville. Les moines de Stavelot interviennent et veulent en déférer au tribunal de Malines. Les gens de Sourbrodt veulent être jugés en pays luxembourgeois mais finalement le tribunal de Malines, considéré comme neutre, est accepté. Le 3 octobre 1598, le procès s’ouvre et se termine le 26 mai 1601 par une sentence favorable aux habitants de la principauté qui se voient maintenus dans leurs droits de pâturage en attendant qu’une commission ait étudié la question sur place. Au printemps 1602, les manants de Sourbrodt réagissent en saisissant 15 boeufs aux manants de Robertville. Ils restent sourds aux objurgations du prince-abbé Ernest de Bavière et, soutenus par les seigneurs de Bütgenbach, ils interjettent appel. En 1607, un nouveau jugement casse le précédent et condamne les habitants de Robertville, Outrewarche, Gueuzaine et Champagne et les syndics de Stavelot et Malmedy aux frais du procès (1200 florins) qui avait duré neuf ans. Ce qui n’avait pas arrangé les choses, c’est que les manants de Robertville, renouvelant le raid de 1534, avaient de nouveau démoli les clôtures de Sourbrodt. La brouille s’installe aussi chez les plaignants qui doivent aliéner les aisances pour apurer leurs dettes. Les villages de Gueuzaine, Champagne et Outrewarche tentent de se désolidariser de Robertville. Vainement. Suite à la sentence de Malines, le receveur de St-Vith interdit aux habitants de la principauté de jouir des aisances en terre luxembourgeoise. La principauté prendra, par représailles, la même mesure vis-à-vis des sujets luxembourgeois. Après quelques années, lorsque les esprits furent calmés, des pourparlers reprirent et un contrat de sept ans prit cours le 1er mai 1615 qui autorisait les manants de Robertville à jouir d’une partie des aisances de Sourbrodt moyennant le paiement à Noël de 56 dallers et 6 silbergros, moyennant aussi le respect des droits acquis par Sourbrodt et le droit à Sourbrodt à une certaine extension en fonction des nouveaux besoins.

En 1627, c’est du côté d’Ovifat que le litige reprend. Un manant de Robertville qui fauchait dans les aisances d’Ovifat est emmené et enfermé à Reinhardstein. La Cour de Waimes donne raison à ceux d’Ovifat. Robertville va en appel et en 1628, le Conseil provincial de Stavelot donne lui aussi raison à Ovifat. Mais Robertville, décidément intraitable, parvient à faire amender la position du Conseil de Stavelot, remettant ainsi en cause les limites de 1524. Ovifat en appelle alors à la Cour Impériale de Wetzlar qui semble bien n’avoir jamais rendu son iuqement.

La paix avec Sourbrodt n’allait pas être éternelle. Vers la fin du 17e siècle, de nouvelles frictions apparaissent et en 1708, lassés et à bout, les manants de Sourbrodt sont déterminés à prendre des mesures énergiques… et légales! Ils veulent bouter complètement les” abbatiaux ” hors de la terre luxembourgeoise. Pour ce faire, ils proposent au receveur de St-Vith de payer une redevance de 11 florins supérieure à celles payées conjointement par Robertville, Champagne et Outrewarche. Ils n’hésitèrent pas, pour réunir cette somme, à mettre en gage tous leurs biens et effets. Aussi, le 25 juin 1708, les aisances de leurs concurrents leur sont-elles adjugées. A Robertville, c’est la fureur. Le  village perdait d’un seul coup ses aisances et la prise d’eau de Bosfagne. En représailles, ils interdisent aux manants de Sourbrodt de fréquenter encore la chapelle de Robertville. La riposte de Sourbrodt fut simple: ils construisirent leur propre chapelle. Le conflit en resta momentanément là.

En 1719, après la mort de Maître Michel Delonfaye qui joua un rôle modérateur, les  tracasseries recommencent. En 1732, Nicolas de Massin, prince-abbé de Stavelot, admoneste sévèrement les gens de Robertville et leur intime l’ordre de réparer les clôtures détruites (c’est une manie !) et de payer les 20 écus de dédommagement. En 1734, les choses empirent. Les habitants de Robertville se rendent en force à Sourbrodt. Ils arrachent les palissades, coupent les haies. La femme de Henri Jacob qui veut s’interposer est rouée de coup et son beau-frère est assommé d’un coup de hache par Theisse, le varlet de Jean Léonard Dethier. Surviennent les autres manants de Sourbrodt alertés par les cris de Henri Jacob qui se précipite, fourche en main, vers les gens de Robertville. Le drame ne fut évité de justesse que par la présence inopinée du chapelain de Sourbrodt qui réussit à persuader ses paroissiens de ne pas rendre coup pour coup. La rage au cœur de colère retenue, ils assistèrent au saccage des clôtures par les gens de Robertville qui brûlèrent ensuite les débris et comblèrent les fossés d’écoulement des eaux. Après cette flambée de violence, un nouveau procès s’ouvre à Luxembourg le 7 mai 1735. Comme il fut interdit aux gens de Robertville de se faire accompagner d’un avocat, le prince-abbé de Stavelot, Dieudonné Drion, qui avait désapprouvé ses turbulents sujets, protesta. Pour supprimer les causes des conflits, il suggéra une rectification et clarification des frontières. Le procès en resta là. Un dernier acte de vandalisme allait encore éclater en 1739 lorsque des habitants de Robertville, aidés de soldats de la principauté, mirent en miettes le bac d’eau alimentant Sourbrodt et amenèrent par une tranchée l’eau de la source vers leur territoire.

Il faudra attendre 1755 pour qu’une frontière clairement précisée départage le territoire. Ce traité, dit des Limites, fut signé le 1er décembre 1755 à Bruxelles par Charles de Lorraine, gouverneur des Pays-Bas, agissant au nom de Marie-Thérèse, l’Impératrice. Une carte précise fut dressée et trente bornes furent placées en août 1756. La délimitation claire des frontières était également nécessaire pour mettre un frein à la contrebande qui passait par les fagnes en raison de la proximité de 5 pays (Stavelot, Luxembourg, Limbourg, Juliers et Franchimont).

Si l’abornage mit fin au conflit avec Robertville, il ne signifia pas encore la fin des problèmes.
Les autres villages du ban de Bütgenbach exploitaient en effet aussi certaines usances fagnardes dont certaines sur le territoire de Sourbrodt. En 1765, Sourbrodt entama un recours pour les en débouter, recours qui aboutit favorablement. En représailles les villages de Weywertz et de Nidrum voulurent interdire à ceux de Sourbrodt l’accès aux pâturages communs du ban de Bütgenbach. Un nouveau procès se termina à l’avantage de Sourbrodt. Les autres villages, soucieux de préserver leurs intérêts, procédèrent alors devant notaire au partage des bois et de la Fagne de la Calebor restés jusque là en indivision.

Enhardis par leurs succès judiciaires, les habitants de Sourbrodt vont s’en prendre aux gens d’Ovifat qu’ils veulent éliminer de l’enclave limbourgeoise qui s’insérait entre le Luxembourg et la principauté. Pourtant, les gens d’Ovifat avaient multiplié les précautions. Le traité de 1755 leur garantissait le droit de pâturer en terre limbourgeoise. En 1766, ils firent un bail avec le Limbourg dont les limites furent encore précisées en 1768 et en 1774, ils déterminent de commun accord avec ceux de Sourbrodt et Robertville les limites entre la Fagne de Wez et la Franche Fagne. Cela n’empêcha pas les gens de Sourbrodt de se faire délivrer un octroi du prince d’Orange sur la Fagne de Wez. Marie-Thérèse chargea le prince-abbé de Stavelot de chercher un accomodement pour éviter un nouveau procès coûteux. La paix fut rétablie en 1782 au profit des gens d’Ovifat après de multiples démarches à Stavelot, à St-Vith, à Luxembourg, à Bütgenbach, à Malmedy, à Limbourg, à Spa, à Waimes et chez le Comte de Metternich dans l’Eifel. Sans compter de nombreuses messes et quelques pèlerinages dans les sanctuaires de St Remacle et Notre-Dame. Ce droit d’Ovifat fut encore consigné dans un procès-verbal rédigé en 1821 à la Régence d’Aix-Ia-Chapelle.
Après la Révolution Française, Sourbrodt continuera à exercer ses prérogatives en Fagne. Après avoir cessé de payer les fermages à la Maison d’Orange-Nassau en 1795, le village dut payer les arriérés dès 1806. Pour en finir, Sourbrodt décida d’acheter la Fagne Wallonne en 1807.