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Histoire de Waimes

L’histoire mouvementée d’une commune de culture romane aux confins de la germanité

 

Les traces les plus anciennes d’occupation humaine remontent à l’époque celtique : on trouve à Walk les vestiges d’un « tchèssion » (du latin castillionem), petite place fortifiée en forme d’éperon barré, remontant à la période de Hallstatt (800-400 av. JC). Par ailleurs, avant l’arrivée des romains, l’orpaillage fut pratiqué à grande échelle dans plusieurs cours d’eau (près des sources de la Warchenne à Faymonville et sur l’Amblève dans le sud de la commune); on dénombrait encore des centaines de haldes sur leurs berges au 19e siècle (leur découverte provoqua  une ruée vers l’or en 1895 à Faymonville).

De l’époque romaine, il ne reste pas grand-chose, semble-t-il, si ce n’est une voie dont l’origine est controversée (*).

 

Il faut attendre l’époque mérovingienne pour trouver des documents écrits. En 670, Sigebert III octroie à Saint Remacle (originaire de Solignac en Haute Vienne) et fondateur des abbayes de Malmedy (648) et Stavelot (650) un territoire dont la limite orientale était constituée par une voie communément appelée « Via Mansuerisca »(*), qui reliait Maastricht à Trèves, à travers le plateau fagnard. La majeure partie du territoire actuel de la commune de Waimes occupait la partie orientale de la Principauté abbatiale, qui va perdurer jusqu’en 1794. À l’est de cette voie se trouvait la partie septentrionale du Duché de Luxembourg, dont dépendait le village de Faymonville, ainsi que celui de Sourbrodt (fondé très tardivement, en 1534).

Suite à un conflit de voisinage entre Sourbrodt et Robertville, des bornes frontières STAV(elot)-LUX(embourg) furent érigées en 1756 sous Marie Thérèse d’Autriche; plusieurs subsistent encore, notamment en Fagnes, et une à Faymonville. Quant à la première mention de Waimes, sous la forme « Vuadeninnas » (petits gués,) elle remonte à 888, dans une charte d’Arnwulf de Carinthie. Elle désignait une villa carolingienne fortifiée, érigée à proximité de l’endroit où la Via Mansuerisca franchissait la Warchenne (rue du château). La plupart des autres localités sont citées en 1188.

En 1354, Renaud de Waimes obtient de Wenceslas de Luxembourg l’autorisation de construire un château sur un éperon rocheux dominant la vallée de la Warche. Reinhardstein passera dans les mains de familles célèbres, dont les Metternich ; son dernier seigneur fut François-Georges, père de Clément (président du Congrès de Vienne). Il ordonna sa démolition en 1812. Le Professeur Overloop en entreprit la reconstruction en 1969.

 

En 1795, c’est l’annexion par la France révolutionnaire, puis par l’Empire napoléonien, au sein du Département de l’Ourthe. On retiendra notamment la première cartographie réalisée selon la méthode de triangulation par le colonel Tranchot (point trigonométrique situé à l’arrière du Signal de Botrange).

 

Au Congrès de Vienne de 1815, les puissances victorieuses créent les Pays-Bas (incluant l’actuelle Belgique), alors que la Prusse récupérait les Cercles d’Eupen et de Malmedy (dont faisait partie Saint-Vith), détachés de l’ancien Département français de l’Ourthe. Si cette répartition apparaît comme logique pour Eupen et Saint-Vith, dont la population était germanophone, elle peut surprendre en ce qui concerne Malmedy et Waimes, où la langue parlée était le wallon et où la population avait vécu depuis le 7e siècle au sein de la Principauté abbatiale formée avec Stavelot.

 

Deux éléments semblent expliquer ce rattachement à la Prusse : alors que l’abbaye de Stavelot dépendait de l’Évêché de Liège, celle de Malmedy était sous la tutelle de l’archevêque de Cologne. Par ailleurs, la tannerie de Malmedy (à l’époque une des plus importantes d’Europe) suscitait la convoitise de la Prusse, le cuir étant essentiel à  l’équipement de son armée. Quoiqu’il en soit, la décision du Congrès de Vienne y fut bien acceptée et l’empereur Guillaume était particulièrement fier de régner sur une bonne dizaine de milliers de sujets de culture romane.

 

Cette situation perdura jusqu’en 1862, lorsque Bismarck lança le « Kulturkampf », à savoir l’imposition de l’allemand comme seule langue officielle dans toute la Prusse, qui s’étendait notamment sur de vastes territoires slavophones en Europe centrale. S’appliquant aussi en Wallonie malmédienne, cette mesure d’interdiction de l’usage du français suscita des réactions au sein des élites intellectuelles et des notables, ainsi qu’au sein du clergé local : à Sourbrodt, le curé Pietkin contourne la nouvelle législation en faisant ses sermons et le catéchisme en wallon.

 

Arrive la Première Guerre Mondiale : les hommes du cru, en âge de combattre, sont soldats au sein de l’armée qui envahit ce qui est devenu la Belgique en 1830. À la fin du conflit, la Belgique revendique de vastes territoires, en compensation des dommages subis.

Finalement, le Traité de Versailles lui donne les « Cercles » d’Eupen et de Malmedy, dont les populations, pense-t-elle, aspirent à devenir belges. C’est en partie le cas en Wallonie malmédienne, où le « Club wallon » et l’abbé Bastin (originaire de Faymonville) plaident pour le rattachement à l’aire de culture romane. S’ensuit une période de transition que le Gouvernement belge confie à un Haut Commissaire Royal pour les territoires des Cantons de l’Est, poste qui sera attribué fin août 1919 au Lieutenant général Herman Baltia, qui s’installe à Malmedy en janvier 1920.

 

Sa première mission consiste à organiser une consultation populaire qui doit confirmer la volonté des populations locales de devenir définitivement belges. Pour ce faire, 2 registres sont ouverts, l’un à Eupen, l’autre à Malmedy, dans lesquels les habitants opposés au rattachement à la Belgique peuvent venir demander que tout ou partie des (anciens) Cercles soient maintenus sous souveraineté allemande : aucun anonymat n’est prévu et les protestataires sont dissuadés de venir s’inscrire. Face à cette situation, la plupart s’abstiennent. Dans ce contexte, malgré le résultat (sur les 33.726 ayants-droit, seules 271 personnes protestèrent, parmi lesquelles 202 fonctionnaires allemands encore en poste), on ne peut parler de véritable adhésion. Cette pseudo-consultation organisée par l’État belge alimentera ultérieurement la propagande pro-allemande. En attendant, en 1925, le mandat du Haut Commissaire Baltia, nommé baron, s’achève (une butte culminant à 700 m lui étant dédiée est érigée à l’arrière du Signal de Botrange) et Waimes, au sein des Cantons de l’Est, est intégrée au Royaume de Belgique.

 

Grand vainqueur des élections de 1926 dans les Cantons de l’Est, le Parti catholique se scinde entre pro-belges et pro-allemands. En 1929, le «Christliche Volkspartei », dissident du Parti catholique et favorable à une nouvelle consultation populaire ainsi qu’à un éventuel retour à l’Allemagne, remporte les élections avec 52% des voix. En 1933, l’arrivée de Hitler au pouvoir en Allemagne va l’orienter vers le nazisme et son président sera expulsé. Ne se présentant pas aux élections de 36, il invite ses partisans à se tourner vers le Parti Patriotique (« Heimattreuefront »), qui prône le vote blanc, position qui sera adoptée par une majorité absolue des électeurs. En 1939, dans un climat proche de la guerre civile, le Heimattreue Front obtient 45,8% des voix (sans que ce résultat ne présente de différence notable entre les 3 Cantons).

 

C’est donc une population profondément divisée, jusqu’au sein des familles, qui va être plongée dans la 2e guerre mondiale. Dès le 10 mai, bon nombre de fonctionnaires et d’instituteurs, notoirement pro-belges, se réfugient en Belgique; d’autres sont arrêtés et emprisonnés. Le 18 mai 40, un décret de Hitler annexe les 3 Cantons au IIIe Reich, sans que le gouvernement belge ne proteste. Le 18 septembre 1941, la nationalité allemande est attribuée à ses habitants, dont la population masculine est enrôlée de force dans la Wehrmacht et envoyée pour la plupart sur le front russe. Sur 8000  enrôlés (pour l’ensemble des Cantons de l’Est), 3200 ne reviendront jamais. Pour échapper à l’enrôlement et courant le risque d’être fusillés, quelques-uns choisirent de se réfugier dans la clandestinité en Belgique ou prirent le risque de se cacher, dans un grenier ou un fenil; d’autres n’hésitèrent pas à se mutiler. 

 

Libérée par les américains en septembre 44, la commune de Waimes se retrouve au cœur de l’offensive von Rundstedt en décembre. Faymonville est détruit par les violents combats : devant évacuer le village dans la hâte, plusieurs habitants perdent la vie. Waimes échappe miraculeusement aux bombardements.

 

L’immédiat après-guerre se caractérise par un climat de suspicion et de délation : ne faisant pas de différence entre annexion et occupation, l’État belge juge les enrôlés de force comme collaborateurs. Bien qu’au total, le pourcentage de condamnations par rapport aux dossiers ouverts fût inférieur à la moyenne nationale, cette « épuration » laissa des cicatrices profondes qui mirent du temps à s’estomper. C’est donc dans un contexte difficile que l’arrimage définitif des 3 Cantons à la Belgique s’est opéré.

 

À partir de 1963, les frontières linguistiques sont définies, démembrant le territoire des Cantons de l’Est. Composée du Canton d’Eupen et de celui de Saint-Vith, la région de langue allemande est créée, coupée en deux par le territoire de la commune de Waimes, commune francophone à facilités.